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Entretien

L’islam : une religion et une culture

L’islam : une religion et une culture
"Soyons attentifs à démêler les confusions au sujet de l’islam qui risquent d'altérer le jugement des élèves."
Meryem Sebti a fait ses études de philosophie en France. Son doctorat, sous la direction de Jean Jolivet et Alain de Libera, portait sur Avicenne et la doctrine de l’âme humaine. Elle coordonne avec Daniel De Smet (CNRS) un projet international de recherche sur la philosophie arabo-musulmane des IXe-XVIIe siècles, ainsi qu’un projet sur l’exégèse philosophique du Coran. Les événements de janvier l'ont conduite à s’exprimer sur le fait que, dans les semaines à venir, les enseignants devront être vigilants, attentifs à démêler les confusions au sujet de l’islam qui risquent d'altérer le jugement de leurs élèves.

Comment aborder l'islam en classe aujourd'hui ?

Meryem Sebti : Comme le soulignait avec pertinence le philosophe Abdou Filali-Ansary : "L'islam, d'abord, est le terme qui semble donner lieu aux plus grandes confusions. La plus importante et la plus dévastatrice est celle qui mêle credo et histoire. Alors qu'on distingue nettement et aisément entre christianisme et chrétienté, on utilise, lorsqu'il s'agit de l'islam, le même terme pour désigner des "objets" aussi différents que les croyances religieuses, les rites et pratiques les plus divers, des événements et des attitudes séparés par des siècles et par des distances géographiques et conceptuelles immenses"1. Ainsi, il est important de rappeler que si le terme "islam" désigne l'une des trois grandes religions monothéistes, qui s'inscrit dans la continuité de l'Ancien et du Nouveau Testament, il désigne également une culture d'une immense richesse. La culture musulmane s'est étendue de l'Asie à l'Europe pendant plusieurs siècles et s'est enrichie des apports de nombreuses civilisations : grecque ancienne, byzantine, perse, indienne… La complexité foisonnante de cette culture devrait être valorisée. Des débats pourraient être organisés en classe autour des échanges entre juifs, musulmans et chrétiens dans l'Andalousie médiévale par exemple ou encore des exposés sur l'esthétique singulière des miniatures persanes ; d'autres encore sur les grands savants et philosophes médiévaux (le mathématicien al-Khawarizmi, l'astronome Ulugh Beg pour les premiers ; Avicenne et Averroès par exemple pour les seconds…). Ce type d'enseignement est important : il permet d'éveiller une conscience historique et un esprit critique chez les élèves en leur apprenant à établir une nette distinction entre les différentes sortes de notions subsumées sous le vocable "islam", dans les média notamment.

Une autre confusion, plus grave, existe tant du côté des représentations véhiculées sur l’islam que du côté des jeunes de confession musulmane. Comment en sortir ?

M. S. : Pour ce qui est de l'identification entre islam et islamisme, il convient là aussi d'être vigilant. Il faut distinguer une pratique quiétiste de la foi, compatible avec les sociétés laïques démocratiques modernes, de l'islam salafiste. Certaines factions qui se revendiquent de cette mouvance salafiste ont été médiatisées depuis quelques années et se sont fait connaître par des actions d'une grande violence un peu partout à travers le monde, de l'Indonésie aux Etats-Unis en passant par le Moyen Orient, le Maghreb et l'Europe. Les salafistes représentés par plusieurs mouvances plus ou moins violentes revendiquent un "retour" à l'islam supposé pur des origines : un islam anhistoriqu...

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