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"Il faut simplifier l'orthographe et supprimer ces irrégularités", Françoise Picot

"Il faut simplifier l'orthographe et supprimer ces irrégularités", Françoise Picot
Françoise Picot, Inspectrice de l'Education nationale honoraire
Au cours de ces dernières semaines, la "réforme" de l'orthographe a suscité de nombreux débats et créé la polémique. Nous avons interrogé Françoise Picot, auteur de nombreux ouvrages sur la grammaire et l'orthographe.

Pourquoi ces "rectifications", qui datent de 1990, créent-elles autant la polémique aujourd’hui ?

C'est difficile à dire ! Les programmes pour l’école indiquant que l’enseignement de l’orthographe avait désormais pour référence les rectifications de 1990 sont parus en novembre 2015 sans qu’il y ait le moindre commentaire. Alors pourquoi maintenant ? Je crois que c’est une annonce des éditeurs qui a créé la polémique actuelle. Annonce indiquant que dans les manuels scolaires les rectifications orthographiques seraient appliquées. Tout le monde pensait que cette référence aux rectifications orthographiques serait sans suite comme cela avait été le cas quand les programmes de 2008 l’avaient mentionnée. À l’époque, les éditeurs avaient superbement ignoré cette indication. Or depuis les choses ont changé, ces rectifications sont intégrées par les correcteurs orthographiques en informatique, par la plupart des dictionnaires et appliquées sans aucun problème en Belgique et en Suisse. Donc pourquoi ne pas la prendre en compte en France dans les manuels scolaires et l’enseigner à nos enfants ?

Que pensez-vous de ces changements ?

Je ne comprends pas tout ce bruit autour de rectifications qui sont bien minimes : sur un manuel scolaire de 120 pages, cela touche une vingtaine de mots, pas de quoi dénaturer la langue française comme certains se plaisent à le clamer. Surtout que ce sont des simplifications qui visent à introduire des régularités et l’on sait que les élèves quand ils écrivent s’appuient, pour orthographier, sur les régularités qu’ils ont pu observer. Il ne s’agit que de quelques modifications comme l’Académie en faisait à chaque édition de son dictionnaire mais il est vrai, comme le rappelle le grammairien André Gooste, avec "quelques gémissements : poëte a perdu sa poésie avec son tréma, phthisie son agressivité avec son deuxième h, soupirait-on en 1878". Ajoutons aussi que l’orthographe traditionnelle ne sera pas une erreur, les deux orthographes seront acceptées. Certains disent que ce sera perturbant ! Sera-t-on plus perturbé par événement/évènement, boursoufler/boursouffler que par lis/lys, cuiller/cuillère, clé/clef et d’autres dont les deux orthographes sont toujours admises par les dictionnaires ?

Claude Lelièvre estime que "En France, l’orthographe sert à se distinguer socialement", partagez-vous le même sentiment ? 

Oui, l’orthographe sert à se distinguer socialement. C'était en 1694, une volonté de l’Académie (essentiellement masculine) quand elle déclarait, sous la plume de François de Mézeray chargé de fixer les règles orthographiques, qu’elle "désirait suivre l’ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorans et les simples f...

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