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Un amour de tortue

Un amour de tortue
Un amour de tortue, Roald Dahl, illustrations Quentin Blake, Gallimard, 2016.
En novembre à la Cité de la Musique à Paris, était créée une charmante composition d’Isabelle Aboulker commandée pour accompagner la nouvelle édition du roman de Roald Dahl, "Un amour de tortue", paru une première fois en 1990. Les dessins de Quentin Blake ont conservé leur fraîcheur, le conte peut plaire à tous les cycles, et la musique permet d’entrer dans une autre dimension de l’histoire, celle de l’émotion que les sons expriment.

La maison Gallimard vient de publier un coffret contenant le roman de Roald Dahl, Un Amour de Tortue (folio cadet), ainsi qu’un CD où la mise en musique d’Isabelle Aboulker croise la voix de François Morel lisant avec un aimable humour l’histoire de cœur de Monsieur Hoppy, amoureux secret de Madame Silver. L’histoire est simple, et permettra de discuter de la question des moyens et des fins dans ce domaine qui interpelle les enfants, car il touche à leurs premières expériences : que faire pour s’assurer de l’amour d’une personne qui peut être indifférente ? La réponse est subtile et le chemin long et complexe. Mais la fin de l’histoire montre son efficacité. Qu’on en juge : depuis plusieurs années, Monsieur Hoppy aperçoit sa voisine Madame Silver depuis son balcon et en est amoureux. Las, sa timidité l’empêche de faire un pas vers elle, dont le plus simple eut été de voisinage. Il utilisera un truchement, celui de la passion de la dame pour sa tortue Alfred, afin d’entrer en relation avec elle. Première leçon : il faut bien connaître la personne dont on tombe amoureux pour imaginer un stratagème et espérer connaître la réciprocité des sentiments. C’est en écoutant Madame Silver se plaindre que sa tortue Alfred ne grandit pas que Monsieur Hoppy imagine la ruse qui le rapprochera de sa dame : d’un balcon à l’autre, il explique qu’il connaît des formules apprises d’un bédouin en Afrique du Nord, susceptibles d’accélérer la croissance de ces reptiles à carapace. Le titre anglais du roman est « Esio Tort », soit l’inverse de « tortoise ». Les tortues ne pouvant comprendre que les mots écrits à l’envers (elles ont souvent la tête à l’envers), la formule magique est une invocation à la tortue, une prière pour sa croissance ! Madame Silver ne demande qu’à croire son voisin, auquel elle vouera une reconnaissance éternelle, si la tortue grossit. Hoppy achète alors 140 tortues de toutes les grosseurs, en respectant la couleur sombre de l’écaille d’Alfred et va passer son temps à remplacer chaque semaine un Alfred par un autre un peu plus gros.

Il devient vite certain que les efforts de Hoppy seront couronnés de succès et Madame Silver acceptera de l’épouser ! Le roman est accompagné des délicieux dessins de Quentin Blake : l’art magique de son trait libre, poétique mais aussi réaliste, donne aux scènes un bel accent de vérité. Quant à la musique, petit bijou opératique, elle offre un grand plaisir : on ne lira plus les mots de Madame Silver sans entendre la jolie mélodie qu’Isabelle Aboulker a composée pour l’héroïne. Pour ceux qui connaissent un peu la musique, ils s’amuseront à repérer avec joie des citations empruntées aux œuvres de la tradition. Une fois passées quelques notes du Songe du Nuit d’été de Mendelssohn (la Marche Nupti...

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